Blocage de performance chez une athlète de haut niveau : retrouver la confiance

Un cas clinique inspiré de situations réelles

Rivalité silencieuse entre deux entraîneurs, loyautés partagées, remarque dévalorisante et perte soudaine d’élan : chez cette jeune sportive de haut niveau, un blocage brutal s’installe là où tout fonctionnait jusque-là. Grâce à une exploration fine du contexte émotionnel, une phase de retraitement EMDR ciblée, et l’activation de ressources positives par l’hypnose, elle retrouve peu à peu sa liberté intérieure. Un cas inspirant qui illustre toute la subtilité du travail thérapeutique dans l’univers exigeant du sport de très haut niveau.

Dans l’accompagnement des sportifs de haut niveau, il arrive que des blocages soudains apparaissent, comme si une mécanique bien huilée se déréglait sans raison apparente. Ce récit, inspiré de plusieurs situations vécues en cabinet, illustre comment une approche thérapeutique intégrée peut aider à dénouer ce qui, à première vue, semble irrationnel.

Une athlète brillante… jusqu’à la panne

Élise, 20 ans, est engagée dans une discipline sportive acrobatique de haut niveau. Elle s’entraîne dans un pôle national reconnu, et poursuit en parallèle des études exigeantes. Depuis quelques semaines, elle ressent un blocage net et inexplicable : elle n’arrive plus à se lâcher, là où son corps agissait autrefois avec fluidité et instinct. Elle dit simplement : « J’ai peur. J’ai perdu confiance. Je ne sais plus faire. »

Le reste de sa vie semble pourtant en équilibre : elle est en bonne santé, en couple, entourée de sa famille. Elle est investie, lucide, motivée. Et ses objectifs sont clairs : viser le très haut niveau, les grandes compétitions internationales à venir.

Quand le contexte relationnel entre en jeu

Très vite, un élément clé émerge de notre échange : une tension latente entre ses deux entraîneurs. L’un est son entraîneur historique, celui qui l’a suivie depuis l’enfance, et avec qui elle a noué un lien fort. L’autre est l’entraîneur fédéral, qui a pris le relais depuis deux ans dans le cadre de sa montée en niveau.

Élise apprécie les deux hommes. Mais ces derniers, eux, ne s’apprécient pas. Au cours de notre dialogue, il apparait qu’il semble exister une rivalité silencieuse. Et elle est, consciemment ou non, au milieu de cette tension. Ce qui complique tout, c’est que son ancien entraîneur, en apparence bienveillant, la dévalorise subtilement depuis qu’elle s’entraîne ailleurs. Des petits mots, des regards, des soupirs. Rien de frontal, mais un climat qui sape insidieusement sa confiance.

Le moment déclencheur : une phrase, un regard

Le souvenir douloureux se précise : après un stage très réussi à l’étranger, Élise revient confiante, en forme, heureuse. Mais lors de la première compétition suivant ce stage, elle se sent vide. Elle se force à concourir, échoue dès le premier essai… et perçoit immédiatement la grimace de son ancien entraîneur, présent sur place. Puis vient la phrase assassine, déguisée en sagesse fataliste : « Il y a des années comme ça, où ça ne marche pas… et c’est comme ça. »

Cette suggestion négative, dans la bouche d’un mentor de longue date, agit comme un poison émotionnel. Elle entre en résonance avec une culpabilité diffuse – celle de ne plus s’entraîner avec lui, de « trahir » une loyauté passée – et déclenche un véritable effondrement de confiance.

Le travail thérapeutique : EMDR et prise de recul

Nous engageons alors un travail en EMDR. Après avoir installé un lieu ressource (un moment de calme et de sécurité qu’elle relie à sa chambre et à la présence chaleureuse d’un proche), nous retraçons pas à pas la scène de la compétition. Elle revit l’émotion de blocage, la sensation de vide, puis la honte. Les balayages oculaires l’aident à digérer progressivement ces images et sensations.

Puis, je l’invite à revivre un souvenir ressource puissant : une compétition internationale réussie où tout avait fonctionné naturellement. Elle retrouve alors la sensation du « saut plaisir » – cette forme de danse aérienne où le geste naît d’un élan intérieur libre et confiant.

Le va-et-vient entre ces deux types de souvenirs permet de réactiver les réseaux de mémoire positive, tout en remettant en perspective les injonctions implicites reçues.

Nous nommons aussi ensemble ce qui se joue : le conflit de loyauté, les jeux de pouvoir silencieux entre entraîneurs, la manière dont certaines paroles peuvent peser bien au-delà de leur apparente banalité.

À la fin de la séance, Élise se sent allégée. Elle parvient à remettre en contexte ce qui s’est passé, à séparer les enjeux relationnels de ses compétences réelles. Elle sait que ses ressources sont intactes.

Rebondir : vers une projection future en hypnose

Nous décidons que la prochaine séance sera consacrée à l’hypnose de performance. Objectif : ancrer un état mental et corporel de confiance, se projeter positivement dans la prochaine échéance – une compétition européenne décisive – et réactiver, par l’imaginaire et la sensation, l’élan intérieur qui fait toute la différence.

Ce que nous apprend cette situation

👉 Parfois, une simple phrase malvenue, prononcée au mauvais moment par une figure d’autorité, suffit à enrayer une mécanique intérieure bien huilée.

👉 Le contexte relationnel, souvent mis de côté dans les approches classiques de la performance, peut jouer un rôle majeur. Loyautés invisibles, tensions interpersonnelles, dénigrements subtils… tout cela influence le mental et le corps, parfois à l’insu même du sportif.

👉 L’EMDR permet d’apaiser les traces émotionnelles de ces moments perturbants, de remettre en lien les émotions, le corps et le récit de soi. Tandis que l’hypnose, ensuite, vient nourrir l’élan, la visualisation, la liberté intérieure.

👉 Avant même de mobiliser ces outils, il est essentiel de mener une exploration large du contexte dans lequel la difficulté est apparue. Faire ce travail d’enquête en amont – sur les événements, les interactions, les dynamiques relationnelles, les messages reçus – permet d’identifier les véritables points de rupture. Ces éléments, souvent cachés derrière le symptôme, deviennent alors les cibles précises du travail thérapeutique. C’est cette mise en perspective globale qui donne tout son sens et son efficacité au processus d’EMDR ou d’hypnose : on ne traite pas juste un blocage, on aide la personne à reconstruire un sens et à restaurer sa liberté intérieure.

👉 Enfin, tout au long de l’entretien, le thérapeute peut semer des suggestions positives, subtiles et respectueuses, en accord avec le vécu de la personne. Par le choix des mots, la tonalité, la reformulation, il insuffle – sans jamais forcer – l’idée qu’un autre élan est possible : celui de la fluidité retrouvée, de la confiance réactivée, de la liberté de mouvement qui revient naturellement.

Ce récit est inspiré de situations réelles rencontrées en cabinet. Certains éléments ont été volontairement modifiés afin de préserver strictement la confidentialité des personnes concernées. Il ne s’agit pas d’un témoignage direct, mais d’un cas clinique recomposé pour illustrer une dynamique fréquemment rencontrée en thérapie.

Même si ce récit concerne une sportive de haut niveau, ce type de blocage touche aussi d’autres sphères de notre vie : au travail, dans la prise de parole, les études, ou dans des périodes de transition. Lorsqu’un geste, une décision, ou une parole semble “ne plus passer”, il est possible de remettre du mouvement, de restaurer l’élan et la confiance. Ces approches ne s’adressent pas qu’aux champions, mais à toute personne désireuse de retrouver de la liberté intérieure.

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Pour approfondir :

– Guy Hauray, L’EMDR dans la performance sportive, éd. Désiris

– Jean-Marc Benhaiem, L’hypnose pour mieux vivre, éd. Albin Michel

– Documentaire Arte : Hypnose, aux frontières du réel (grand public)