Dans le cadre de l'atelier Easy poésie de décembre, le thème du voyage poétique et métaphorique se poursuit. Après la poétique de la valise et l'exploration du chemin, voici celle de la destination.
Voyage en pays de poire
Je suis l'un des derniers Lilliputiens.
Vous avez peut-être entendu parler de moi au siècle dernier.
Depuis, d'autres histoires vous ont fait oublier ma présence.
Aujourd'hui j'ai une furieuse envie de voyager.
J’observe devant moi une corbeille de fruits bien garnie.
Il y a des pommes, des oranges, une mangue, une clémentine et une poire.
Les fruits ronds me font penser à la planète commune des humains, quel que soit leur goût et leur couleur, leur forme sphérique n'appelle pas mon aventure.
La poire est différente.
La poire est mystérieuse, discrète, commune mais atypique, difficile à cerner.
Maintenant, je choisis ma destination : le fruit juteux de l'automne
Cap sur la poire !
Comice ou Conférence, devant moi sur le plateau, elle se présente.
Marron et verte, tachetée, de forme oblongue, granuleuse, majestueuse, avec des fesses rebondies et une queue boisée.
La poire est discrète, elle n'est pas un fruit qui s'impose. On traite d'ailleurs de bonne poire une personne qui se laisse faire.
La poire n'est pas le fruit qu'on déguste en premier : on garde une poire pour la soif.
Et même rire, c'est trancher sa discrète présence : se fendre la poire !
Je contemple cette surface à la forme asymétrique.
Je suis prêt pour le voyage
je veux découvrir la saveur sucrée de l'automne.
Je distingue quelques aspérités où je pourrais m’accrocher, des vallées, des cratères.
C'est le moment de me lancer : à l’assaut de "l'écorce poireuse".
Je regarde Philippe jouer distraitement avec la poire sur la table
Ça tourne, ça roule, ça rock n'roll
Il cherche l'idée...
Il n'en finit pas de chercher l'idée
Heureusement il s'arrête, ouf, il est en train d'écrire, pas trop tôt
Ouh là là, il prend la poire dans sa main, la malaxe…
Aïe il la croque !
Alerte!!! Ce voyage devient franchement dangereux
Philippe se rue sur cette poire, le jus lui coule sur le menton et même sur sa chemise rouge,
Il goûte le fruit sucré, le goût acidulé avec avidité.
Je vais déjà songer à quitter cette planète inhospitalière
M'évader par le pôle queue ou le pôle cul ?
Par la face renflée ou la face allongée de cette planète ?
Je crois que les dents vont d'abord dévorer le haut de la poire, l'attaquer par le pôle queue.
Et moi, Lilliputien, je vais mettre des heures ou des jours à joindre le pôle cul
Philippe s'arrêtera-t-il à temps?
J'ai entendu parler de lui, c'est un vorace
En pleine après-midi, en quête d'inspiration, c'est un danger public pour la corbeille de fruits !
Ah le téléphone sonne, un répit, un miracle ?
Va-t-il renoncer à terminer sa poire ?
Pour lui, une décision banale
Pour moi, une question de vie ou de mort.
Philippe Brami décembre 2024
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