Nos difficultés focalisent notre attention. Dès qu’elles s’estompent, nous cessons de nous en soucier. Au contraire, lorsque tout va bien, nous n’y prêtons guère attention.
Cela est bien dommage. La psychologie positive a prouvé par des études scientifiques les effets positifs de l’appréciation sur notre moral et notre santé.
L’Analyse Transactionnelle a approfondi la notion de signe de reconnaissance.
De quelle façon nous approprier cette logique appréciative, pour mieux vivre et interagir avec les autres ? C’est l’objet de cet article.
Une origine du concept de reconnaissance
Dès sa naissance, l'enfant est habituellement touché, embrassé, regardé, porté.
Cela nous semble tellement évident aujourd'hui, ça ne l'a pas toujours été. Ainsi, René SPITZ a observé que des enfants privés de stimuli sensoriels suffisants montraient de nettes carences dans leur croissance, leur développement psychomoteur et leur sécurité affective.
Les travaux de SPITZ ont montré qu’un être humain a besoin de contacts sensoriels et affectifs pour se développer tant physiquement que psychologiquement.
C’est par les stimuli que lui adressent ses parents (ou les personnes qui prennent soin de lui) que l’enfant trouve l’énergie pour grandir. Cela lui donne des repères et lui permet de se reconnaître lui-même, d’où l’expression « signe de reconnaissance ».
Devenu grand, l'individu continue à en rechercher dans ses contacts sociaux. Cela lui apporte les signes dont il besoin pour éviter de se sentir abandonné, rejeté ou exclu de son groupe.
Quels sont les types de signes de reconnaissance ?
L’Analyse Transactionnelle classe les signes de reconnaissance en 4 catégories :
1) Le signe de reconnaissance positif inconditionnel = Appréciation de la personne
Exemple : "Je suis très heureux de te voir !"
Ce signe indique à la personne qu'on la reconnaît et l'accepte dans sa totalité, de façon inconditionnelle. Concrètement, on l’apprécie quel que soit ce qu’elle fait ou ne fait pas.
2) Le signe de reconnaissance positif conditionnel = Appréciation des actes
Exemple : "Je te félicite pour ton brillant exposé !"
On apprécie la personne lorsqu’elle fait ceci ou cela ou en fonction de ce qu’elle a fait, dit ou choisi dans le passé.
Le compliment ci-dessus est une reconnaissance sur les actes car la personne la réalisation de l’exposé dépend directement de ses actions.
3) Le signe de reconnaissance négatif inconditionnel = Rejet de la personne
Exemple : "Hors d'ici, je ne veux plus te voir !"
Il exclut et rejette l'autre, sans lien avec ce qu’il a pu faire ou dire.
C’est un reproche de ce que la personne est. Or, elle n’y peut rien. On reproche en fait à la personne d’être ce qu’elle est. Cela crée un sentiment de dévalorisation, d’autant plus important qu’il n’y a aucun espoir d’être mieux considéré par une action ultérieure.
4) Le signe de reconnaissance négatif conditionnel = Désapprobation des actes
Exemple : "Je suis vraiment mécontent de vos résultats parce que… "
Il indique à quelle condition on est rejeté ou aimé. Cela indique à la personne que nous n’apprécions pas ses actes. Cela peut ne pas être agréable de le savoir, mais c’est une information utile. La personne désapprouvée peut dialoguer, décider d’agir différemment ou pas, ou encore ajuster sa relation avec l’émetteur de la critique.
Quelle reconnaissance est-il souhaitable de donner ?
Chaque signe de reconnaissance a son intérêt, sauf le signe inconditionnel négatif.
- Le signe positif sur la personne encourage à être encore plus soi-même ; c’est donc une sorte de validation. C’est un encouragement à être (encore plus) soi-même.
- Le signe positif sur les actes consiste à valoriser ce qui a été fait par une personne. Cela permet un renforcement positif. La personne va être plus enclin à continuer à bien faire et même à faire mieux. C'est un encouragement à faire.
- Le signe négatif sur les actes permet d’exprimer notre désapprobation pour obtenir un changement de comportement. Il constitue donc un moteur de changement. C'est un encouragement à faire autrement.
- Le négatif sur la personne constitue une dévalorisation qui n’a aucun intérêt et dont les inconvénients sont énormes : hormis l’injustice, cette dévalorisation entretient des sentiments de frustration, de revanche, baisse les performances de chacun et nourrit les conflits.
Les 5 grandes vertus de la reconnaissance
Les trois premiers signes de reconnaissance possèdent 5 grandes vertus (au moins !) :
1. La reconnaissance est un carburant psychologique.
Lorsque nous recevons une attention, une validation, un compliment, cela nous donne l’énergie et l’envie de faire plus et mieux. Cela permet d’augmenter notre énergie psychologique, donc notre motivation pour agir, apprendre, créer.
2. La reconnaissance est un ciment social.
Dès que nous avons déjà vu une personne quelque part, qu’elle n’est plus une inconnue, un premier lien existe, la crainte naturelle diminue, les échanges deviennent plus faciles : la confiance est là.
La reconnaissance permet de maintenir ou renforcer les liens avec notre entourage.
3. La reconnaissance est un « amortisseur relationnel »
Elle permet d’éviter des perturbations à un niveau psychologique (ruminations, insomnies), relationnel (disputes, vexations) que social (conflits sociaux).
4. La reconnaissance, comme cela a été démontré chez les nourrissons, a un effet positif sur notre santé.
5. La reconnaissance est aussi l'antidote à notre angoisse existentielle.
Lorsque nos besoins de reconnaissance ne sont pas satisfaits, nous ressentons une angoisse existentielle et nous posons des questions telles que :
a. « Suis-je inclus dans ce groupe ?
b. Est-ce que je suis respecté, aimé ?
c. Suis-je compétent ?
d. Pour quoi, pour qui j’existe ?
Recevoir de la reconnaissance permet de faire face à notre angoisse existentielle. Ainsi, une fois reconnu, nous sommes plus clairs, plus présents, à nous-mêmes et aux autres, plus « habités ».
Les effets de l'absence de reconnaissance positive
A ce propos, soulignons un fait de la plus haute importance :
Les signes de reconnaissance sont tellement nécessaires que faute d'obtenir des signes positifs, on agit de façon à recevoir des signes « négatifs », c’est-à-dire douloureux.
Ainsi, une personne (ou un groupe social) se met à « être désagréable », lorsqu’elle estime inconsciemment qu’elle n’est pas reconnue comme elle le doit. Elle recherche à un niveau inconscient une validation, même négative, pour combler son angoisse existentielle (vide), c’est-à-dire un manque de repères qui lui fait sentir une sorte de flottement, d’anxiété désagréable.
Ma conviction est qu'actuellement des groupes sociaux font la grève, moins parce que leurs conditions de vie se sont durcies que parce que le monde du travail est devenu plus dur, moins humain et qu’il y règne une pénurie de reconnaissance, qui rime avec sentiments d’exclusion, de déclassement ou de mépris.
La confusion fréquente entre reconnaissance sur les actes et sur la personne
Certaines personnes confondent les signes sur les actes et les signes sur la personne.
Un exemple concret : une dame laisse son chien faire ses besoins en pleine rue. Je lui demande gentiment de l’emmener au caniveau situé à 2 mètres. Elle se vexe et refuse.
De quelle façon a-t-elle pris cette réflexion/ l’ai-je formulé / pour qu’elle se sente vexée en tant que personne ? A-t-elle senti dans ma voix un ton de désapprobation pour son acte ou pour sa personne ?
Difficile de savoir si la confusion réside chez l’émetteur ou chez le récepteur du signe de reconnaissance.
Dans notre société égocentrée, il se produit régulièrement une dramatisation, une hystérisation des débats sur de nombreux sujets…Un signe que nos blessures psychologiques prennent le pas sur les faits tangibles. Ce qui plombe les échanges et nourrit les conflits.
La première étape est bien sûr de sortir de la confusion qui complique singulièrement les relations familiales, professionnelles ou sociales.
Il est absolument essentiel de pouvoir dire/ entendre les choses sans se sentir immédiatement impliqué en tant que personne.
C’est le fameux accord toltèque « Quoiqu’il arrive, n’en faites pas une affaire personnelle », conseil de sagesse très précieux aujourd’hui.
Réfléchir sur sa façon d’échanger de la reconnaissance
Les questions suivantes peuvent être utiles pour réfléchir à l’échange de reconnaissance avec notre conjoint, nos enfants ou parents, nos partenaires professionnels.
1. A quel type de signe de reconnaissance suis-je le plus sensible ?
2. Quels sont les signes que j’aime recevoir et ceux que je reçois ?
3. Est-ce que j’apprécie à leur juste valeur les compliments que je reçois ?
4. Suis-je trop/ pas assez ouvert à la critique ?
5. Quelle reconnaissance j’aimerais recevoir et que je n’ose pas demander ?
Quelles sont les qualités d’un bon signe de reconnaissance ?
L’échange de signes de reconnaissance construit un lien entre les individus.
Or, c’est par la relation à l’autre que l’être humain se construit.
Quelque soient les qualités du signe émis, il appartient à chacun de l’accepter ou pas.
S’il n’est pas accepté, il n’a aucune valeur.
Les qualités de base d’une bonne reconnaissance
Dans l’idéal, un signe de reconnaissance a plus de chances d’être bien accepté s’il est :
- Approprié à la situation
- Dosé : en fonction des valeurs que l’on souhaite promouvoir ; de la contribution au bien commun ou aux objectifs poursuivis.
- Sincère et personnalisé : exprimer un lien relationnel réel (du « je » vers le « Tu »)
- Factuel, précis : parler de la réalisation de la personne / Exprimer ses sentiments à son propos / Reconnaître des convergences d’opinions ou de valeur / Faire s’exprimer la personne sur ses ressentis, ses réussites, ses valeurs.
Les qualités optionnelles d’une bonne reconnaissance
Nouveauté : cela oblige à une attention accrue aux personnes de notre entourage pour éviter de « ressasser les signes habituels ». Proscrire les automatismes en matière de reconnaissance.
Variété : varier les modes de reconnaissance : mail, téléphone, entretien, mot en réunion ; panacher signe sur le travail, la personne, les convictions ; varier le moment etc.
Spontanéité : un signe spontané peut être bien accepté car on n’a moins tendance à mettre en doute sa sincérité. Ceci dit, la préparation de la reconnaissance ne diminue pas sa valeur ; au contraire, cela la rend souvent plus juste, plus pertinente.
Amplification par le regard des autres : devant témoins ou transmis à d’autres personnes, la reconnaissance a encore plus d'impact sur la personne concernée.
L'importance du non verbal, en particulier l'intention et l'émotion
Les signes de reconnaissance passent par les mots et aussi en grande partie par le non verbal, c'est-à-dire le regard, le ton de la voix, l'émotion, le toucher etc.
Leur réception est assez subtile car il suffit qu'une composante verbale ou non verbale ne converge pas pour qu'il perde de la valeur ou de l'impact.
Lorsque les mots sont en accord avec le ton, l'émotion, le regard etc., le message est congruent, c'est-à-dire, cohérent.
Par exemple, si je dis froidement un compliment à une personne, cela aura moins d'impact.
Si je fais une critique, avec un ton trop doux ou avec un léger sourire, l'impact sera minimisé, voire nul.
Au contraire, lorsque je fais un compliment en regardant la personne, en prenant le temps de parler, de ressentir l'effet et que le ton est chaleureux, la reconnaissance est plus puissante.
Ce qui crée l'impact est davantage l'intention et l'émotion du signe échangé que les mots prononcés.
En pratique : Faire circuler la reconnaissance
Chacun peut donner, accepter, refuser, demander ou se donner de la reconnaissance.
Faire circuler la reconnaissance permet d’améliorer notre moral, de renforcer les liens avec les autres et de construire un climat de bienveillance éclairée, un contexte positif.
Le premier moyen de faire circuler la reconnaissance est d’en donner.
Accepter, refuser, demander, se donner de la reconnaissance sont tout aussi importants que donner. Ils seront abordés dans un prochain article.
Donner de la reconnaissance est un stimulant dans la construction d’une relation.
C’est-à-dire que cela favorise l’ouverture chez l’autre. A condition que le don ne s’accompagne pas d’une exigence de retour systématique.
Nous avons donc chacun une responsabilité. Celle d’utiliser notre pouvoir de soigner chacune de nos relations en y mettant, entre autres, bienveillance, attention, gratitude et célébration.
Cela implique peut-être d’avoir moins de relations et plus de soin donné à chacune d’elles.
Cela peut permettre, au moins à notre niveau, de retisser du lien affectif et social.
La reconnaissance est précieuse mais ne s’achète pas. Est-ce pour cela qu'elle est négligée ?
Dans une société centrée sur la consommation et l’échange marchand, elle donne toute sa lumière à l’échange humain.
Vous souhaitez en savoir sur les moyens concrets de faire circuler la reconnaissance?
Lisez sur notre site : Les 4 mots magiques, porteurs de reconnaissance
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