Poésie : Le bonheur, une évasion
- Philippe BRAMI
- 15 janv.
- 3 min de lecture

Voici un texte écrit dans le cadre de l'atelier Easy poésie consacré aux métaphores.
L'idée est ici de trouver un thème que nous avons envie d'explorer et de le relier à une image, à un univers. Ceci pour l'aborder de façon imagée, indirecte, de façon plus évocatrice que factuelle.
Le bonheur, une évasion
(atelier Easy Poésie — métaphores)
Quand on naît, on est nu, frigorifié, effrayé.
Les regards nous traversent, mais personne ne nous comprend.
Hors du ventre de Maman, on est déjà dépendant.
La vie commence par une prison… à ciel ouvert.
Le bonheur, c’est une évasion.
Une percée vers soi.
Le bonheur, interdit aux uns, promis aux autres,
Condamné par certains, prêché par les apôtres.
Le chemin de l’évasion est truffé de pièges,
Mais je suis bien décidé à me faire la malle.
À l’entrée de la prison, je dépose mon espoir.
Un détour dans la cellule du doute,
Je crois même avoir pris perpète…
Alors j’aménage mon quotidien.
Coincé dans dix mètres carrés de vie,
Je survis, je patiente, je guette un coin de ciel bleu.
Faut sortir de la maison d’arrêt de la peur.
Oui, le bonheur fait peur, parfois.
À ceux qui l’ont raté et voudraient l’interdire.
À ceux qui l’ont frôlé et voudraient l’imposer.
Et moi, je le cherche, un peu partout.
Je ne sais plus à quel sein me vouer.
Sortir en promenade, loin des pensées étroites.
Écouter la voix qui murmure : "Pourquoi pas ?"
S’échapper des idéologies… et de toutes les “-logies”.
Sortir de la prison de l’injustice.
On entre tous à poil,
Mais certains avec une cuillère en argent dans la bouche.
Ça ne change pas grand chose…
un peu, quand même!
Certains passent à la fouille, d’autres pas.
Éviter les voies sans issue, les raccourcis en boucle.
Le bonheur, ça se prend en douceur. Sans faire de casse.
Sortir de la cellule de l’autocensure.
Déjouer les jugements des inquisiteurs.
Ouvrir sa gueule sans craindre le mitard de la mort sociale.
Et reconnaître le seul vrai gardien :
Notre bouille dans le miroir.
Échapper à la solitude,
S’éclipser à pas feutrés de sa timidité.
Le bonheur, c’est...
Une compagne de cellule inattendue,
Une amitié fidèle dans la galère,
Un refus obstiné de la misère.
Sortir de l’illusion du confinement.
Voir le rayon de soleil derrière les barreaux.
Savourer la promenade.
Rêver du grand saut.
Préparer la grande évasion.
Le bonheur, parfois, on le veut trop. Trop fort, trop vite.
Mais la vie ne fait pas crédit.
Alors on va dégriser en cellule.
On cherche encore et toujours la formule.
Et ceux qui crient qu’ils l’ont trouvée
Sont souvent les pires imposteurs.
Éviter de retourner à la case prison.
Traquer la routine, fuir l’ennui.
Crier pour exister,
Ou chanter avec Jean-Paul et Marcello.
Choisir nos compagnons de cellule.
Fuir les mauvais coucheurs, faire grogner les frustrés,
Enrager les rageux, clouer l'bec des railleurs.
Éviter les vendeurs de bonheurs frelatés,
Les paradis de pacotille,
Les idées en conserve.
Sortir des sens interdits.
Frotter nos peaux, nos langues.
Oser le baiser, la caresse.
Dévoiler nos visages,
Montrer notre animal.
Oser parler, chanter.
Exit la retenue, les compromis.
Quand les gardiens se barrent,
Les faux-semblants tombent.
Et le bonheur commence à se pointer.
L’horizon s’ouvre.
Je sais que je sors bientôt.
Alors on fête ensemble la sortie de tôle.
Feu de camp entre amis,
Fred Astaire sous la pluie,
Un trésor caché dans un vieil étui de violon.
C’est dire oui. C’est dire non.
Plus tard, je savoure les souvenirs.
Amitié, amour, passion, chansons.
Je m’autorise même quelques formules absurdes :
Le bonheur, c’est la carotte du lapin.
Et la terreur des dictateurs.
Y a-t-il un raccourci vers le bonheur ?
Peut-on scier les barreaux de notre prison intime ?
Ou faucher les clés au gardien pour se tirer ?
Je me suis fait la belle, un instant.
Le temps d’écrire ce texte,
De le dire à voix haute.
Pour une heure, ici, maintenant.
Jusqu’à quand ?
Philippe Brami, 4 février 2025

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