L’analyse transactionnelle (AT), élaborée par le psychiatre Eric Berne, explore comment les individus interagissent et structurent leurs relations. L’une de ses contributions majeures est la notion de structuration du temps relationnel. Cela désigne les moyens de s'impliquer dans les interactions sociales. Dit autrement, cela répond à 2 questions :
Comment passons nous notre temps avec les autres ?
De quelle façon nous engageons nous dans ce que nous vivons/faisons ?
Dans cet article nous allons :
identifier les 6 principales façons de structurer notre temps relationnel
donner des exemples dans la vie courante
réfléchir sur notre façon de structurer notre temps relationnel
avoir des clés pratiques pour développer une fluidité de nos modes relationnels.
Quelles sont les principales façons de structurer son temps relationnel ?
Eric Berne établit un lien direct entre notre façon de nous engager dans ce que nous faisons (Structuration du temps) et notre besoin fondamental de reconnaissance ou de "stimulation".
Il identifie six façons principales de structurer le temps, exposées ici.
1. Le Retrait : L’évitement du Contact / "Dans ma bulle"
Le retrait consiste à s’isoler des interactions sociales. Dans cet état, une personne reste seule ou intérieurement absente, ne cherchant ni à initier ni à répondre à des invitations relationnelles.
Exemple : Une personne qui, lors d’une réunion, reste silencieuse et plongée dans ses pensées plutôt que de participer activement.
Objectif conscient ou inconscient : protéger son espace psychologique face à une situation perçue comme inconfortable ou menaçante.
2. Le Rituel : Les Interactions Codifiées / " Bonjour, Bonsoir"
Le rituel regroupe les comportements répétitifs, formels et culturellement codifiés qui permettent d’interagir sans grand investissement émotionnel.
Ces échanges suivent des règles établies et prévisibles.
Exemple : Dire "Bonjour, comment ça va ?" en début de journée, ou suivre les étapes d’un repas familial traditionnel.
Objectif conscient ou inconscient : assurer une connexion sociale sécurisante et prévisible, sans risque de conflit.
3. Le Passe-temps : La Conversation Informelle / " Apéro/ pause café"
Les participants échangent sur des sujets superficiels ou sans enjeu majeur. Ces discussions permettent de maintenir un contact social léger et agréable.
Elles n’exigent pas un engagement profond ou émotionnel.
Exemple : Discuter de la météo, des résultats sportifs ou des dernières tendances culturelles lors d’une pause-café.
Objectif conscient ou inconscient : occuper le temps tout en obtenant des "strokes" (marques de reconnaissance) à faible intensité émotionnelle.
4. L’Activité : La Collaboration ou la Production / " L'activité, le fonctionnel"
L’activité désigne les interactions centrées sur un objectif commun ou une tâche à accomplir. Les participants investissent leur énergie dans un projet concret et échangent pour atteindre un résultat.
Ce mode implique un engagement productif et une coopération constructive.
Exemple : Travailler en équipe pour organiser un voyage en famille.
L'objectif est le plus souvent conscient : structurer le temps de manière utile tout en créant des opportunités pour des interactions valorisantes.
Le niveau de l'activité comporte déjà certains risques : celui de se tromper, de surmonter des problèmes d'organisation ou de ne pas avoir un résultat optimal. Cela est déjà plus impliquant que les niveaux du rituel et du passe-temps.
5. Les Jeux Psychologiques : Les interactions dysfonctionnelles/"ça dérape !"
Les jeux psychologiques sont des schémas d’interactions répétitifs et souvent toxiques, dans lesquels les participants adoptent inconsciemment des rôles spécifiques (victime, persécuteur, sauveur) pour satisfaire des besoins inconscients.
Ces jeux mènent à des conflits ou des sentiments négatifs, mais offrent une forme de reconnaissance à court terme.
Exemple : Une personne se plaint constamment pour attirer l’attention et pousse l’autre à jouer le rôle de sauveur ou de persécuteur.
L'objectif inconscient est d'obtenir une stimulation émotionnelle, même négative, souvent pour confirmer une croyance inconsciente sur soi-même ou sur les autres.
6. L’Intimité : La connexion authentique/" Parler vrai : la sécurité affective"
L’intimité représente la forme la plus authentique et profonde d’interaction, caractérisée par la sincérité, la vulnérabilité et l’absence de jeux psychologiques.
Les participants s’expriment librement, sans crainte de jugement, dans un climat de confiance et de respect mutuel.
Exemple : Une conversation honnête entre deux amis sur leurs peurs ou leurs espoirs.
Ici l'objectif est conscient : être authentique, ou dans le langage de l'analyse transactionnelle : obtenir des marques de reconnaissance positives et nourrissantes qui renforcent l’estime de soi et le lien relationnel.
L'intimité nécessite un niveau de sécurité intérieure de chacun et de sécurité dans la relation. Dans ce contexte, tout inconfort, risque de jugement ou de dévalorisation, entraîne rapidement le repli.
Des exemples dans la vie courante
La compréhension des 6 moyens de structurer le temps passe aussi par des exemples pour visualiser concrètement ce concept.
Ex : Une personne n'est pas à l'aise dans l'échange, elle se met en retrait, se désinvestit, parle moins. Un niveau de retrait supérieur à l'habitude est parfois un signe que la sécurité affective se dégrade.
Ex : Lorsque les rituels de politesse deviennent plus discrets ou se dégradent, c'est signe que la relation se dégrade. Maintenir un niveau de rituel dans un contexte dégradé ou d'éloignement, envoie un message qui indique "tu comptes encore pour moi !"
Ex : Dans la société les activités sociales sont assez précisément codifiées : par exemple un apéritif est de l'ordre du passe-temps, il prépare à un éventuel approfondissement de la relation alors qu'un déjeuner programmé est déjà une activité, un diner programmé est le prélude ou le signe d'une certaine intimité (familiale, professionnelle, amicale ou amoureuse).
Ex : Les personnes apprécient le niveau de leur engagement les envers les autres en fonction de leur implication dans les rituels (Anniversaire, fêtes de fin d'année etc.)
Un exemple dans la relation de couple
Dans un couple, l'évolution de la structuration du temps relationnel est un indicateur du niveau de sécurité affective de chacun; si celle-ci se dégrade, les partenaires descendent dans les niveaux ; ils peuvent par exemple passer de l'intimité à des jeux psychologiques, réduire les moments passés ensemble (les passe-temps agréables du couple), faire moins de choses ensemble (activité) ou encore, s'arranger pour se croiser le moins possible (retrait)
Dans les relations au sein d'un couple, les partenaires ne s'impliquent pas toujours relationnellement de la même façon.
Par exemple, si l'un a besoin d'intimité (Contact authentique) et que l'autre n'est pas à l'aise avec ce mode relationnel et qu'il favorise davantage l'activité ou le passe temps, une mésentente peut apparaître.
Dans ce domaine, la compréhension de ce qui se joue permet d'assouplir les relations, d'éviter les jugements, les malentendus et de réduire l'insécurité affective.
Pour en savoir plus consultez l'article suivant : Renforcer les relations dans le couple, l'apport de l'analyse transactionnelle
Structuration du temps et équilibre relationnel
Une question de besoin et de contexte
Ces six moyens ne s’excluent pas mutuellement et sont utilisés en fonction des contextes et des besoins.
Par exemple, une personne peut préférer le retrait pour se ressourcer, puis engager un rituel pour rétablir une connexion sociale.
Dans une situation donnée, certaines personnes ont volontiers besoin d'activité, d'autres privilégient l'intimité ou le passe-temps pour s'investir progressivement dans une relation.
Le passe-temps pour s'apprivoiser ou se cacher
Le passe-temps est une forme relationnelle qui permet un apprivoisement progressif de l'autre; il est souvent utile pour consolider une relation naissante ou pour "réchauffer une relation" après une absence ou une mésentente par exemple.
Il permet aussi de se ménager (se cacher) pour ne pas entrer dans l'activité ou l'intimité qui sont des modes relationnels plus impliquants.
L'intimité nourrit les besoins émotionnels profonds
Toutefois, la qualité des relations dépend largement du temps consacré à l’intimité, car elle est la seule forme d’interaction qui nourrit pleinement les besoins émotionnels profonds.
L'importance du non verbal
Un point important à souligner : l'authenticité ne passe pas nécessairement par les mots, ou pas seulement !
Elle passe aussi largement par le non verbal, c'est à dire le regard, le toucher, l'émotion ou même la simple présence empathique. Ainsi, les personnes qui sont peu dans la parole ont bien entendu accès à la connexion authentique.
Parfois même, la parole a un rôle de filtre, de protection, qui fait écran à une communication authentique; c'est la parole reliée à notre cœur, nos émotions, notre authenticité propre, qui porte la connexion intime, la favorise ou l'enrichit.
Le niveau d'engagement affectif
Ce qui détermine la nature du mode relationnel, c'est le niveau d'engagement affectif de la personne.
Prenons le cas d'un anniversaire par exemple.
Ce rituel peut n'être qu'un rituel formel ou bien être l'objet d'une activité et d'un niveau de connexion authentique. Cela dépend de la façon dont chacun s' y investit.
Chaque comportement peut ainsi comporter plusieurs dimensions simultanées : ici le rituel , l'activité et l'intimité.
Le moindre comportement rituel peut devenir une source d'approfondissement de la relation.
La politesse que même être considérée comme la matrice de construction de toute relation humaine.
Pour en savoir plus sur le sujet, vous pouvez lire mon article Les 4 mots magiques, porteurs de reconnaissance.
Du retrait (1) à l'intimité (6) : de plus en plus nourrissant et de plus en plus risqué
Plus nous nous engageons dans des expériences qui vont vers l'intimité, plus nous recevons de signes de reconnaissance et donc de l'énergie psychologique.
Reportez vous à ce sujet à mon article intitulé Les 5 grandes vertus de la reconnaissance.
La difficulté est que plus nous évoluons vers l'intimité, plus les risques de se sentir rejeté, trahi, humilié ou incompris augmentent.
Tous les modes relationnels nous apportent une reconnaissance positive croissante selon le degré d'engagement, excepté les jeux relationnels qui nous apportent une reconnaissance sous une forme douloureuse.
Traditionnellement, l'activité professionnelle nous fournit des signes de reconnaissance au moyen de l'activité et la vie personnelle nous offre des moyens d'être nourri(e) par de l'intimité, dans le couple, la famille et la vie amicale ou associative. Cela est très général car chaque contexte peut potentiellement offrir l'ensemble des modes relationnels, du retrait jusqu'à l'intimité.
Réfléchir sur notre façon de structurer notre temps relationnel
Les questions suivantes peuvent être utiles pour réfléchir à notre façon de nous engager relationnellement avec notre conjoint, nos enfants ou parents, nos partenaires professionnels.
À quel(s) type(s) de mode relationnel suis-je le plus sensible ?
Quels sont les modes relationnels que j'aime particulièrement et ceux qui me gênent ?
De quelle façon encourager les modes relationnels que j'apprécie avec l'autre ?
Quels sont les modes relationnels à éviter/ à privilégier avec mon interlocuteur ?
En pratique : comment développer une fluidité de nos modes relationnels ?
1.Être conscient de nos besoins
Pour être à l'aise avec nos modes relationnels, la première chose est d'être conscient de nos besoins dans une situation donnée.
Est-ce que j'ai envie maintenant d'interagir avec l'autre ?
Suis je dans de bonnes dispositions pour le faire ?
De quoi ai-je besoin pour me sentir plus à l'aise ?
2. Etre attentif à tous les rituels de politesse
Cela semble évident, mais rappelons- le, les rituels de politesse de façon formelle ou informelle sont très importants et ils demandent un soin particulier, que ce soit dans le domaine personnel ou professionnel. Certaines personnes y sont plus sensibles que d'autres et cela est très important d'en tenir compte.
3. Ne pas dévaloriser les "passe -temps", ni les surinvestir
Parler de sujets qui semblent anodins ou pas très importants renforce les relations d'une façon ou d'une autre.
Parfois pourtant, y passer trop de temps masque un évitement de l'intimité (refuge dans le bla-bla) ou un évitement de l'activité (on parle alors de flemme).
Il est important d'écouter notre petite voix intérieure qui nous renseigne sur notre besoin de passer plus ou moins de temps dans ce type de relation.
4. Identifier les amorces de jeux psychologiques
Ce point nécessite un apport de formation pour comprendre mieux la notion de jeu psychologique et les amorces qui permettent à celui-ci de démarrer.
De façon générale, dès qu'un malaise commence à poindre le bout de son nez dans une relation, c'est une amorce de jeu psychologique. Il est alors nécessaire de prendre du recul pour analyser la situation avant de s'embourber dans la difficulté relationnelle.
5. Développer la confiance et l’authenticité
Veillez à développer des relations basées sur la confiance, où la spontanéité peut s’exprimer en toute sécurité. Plus on s'amuse, on rigole, on partage des moments sympas dans la fluidité et l'insouciance, plus on développe l'authenticité.
Autorisez vous des moments d’intimité (partage honnête et profond) tout en respectant les besoins de votre interlocuteur. Pour cela, il est nécessaire de prendre le temps d'installer des conditions favorables, un climat bienveillant pour laisser émerger les conditions de la sécurité psychologique.
Conclusion
La fluidité relationnelle, ce n'est pas toujours simple ! C'est un art qui combine la conscience de soi, la compréhension de l'autre et l'adaptation au contexte.
En comprenant ces modes de structuration du temps, l’analyse transactionnelle offre un cadre pour identifier nos dynamiques relationnelles, améliorer nos interactions et privilégier des connexions plus authentiques et positives.
Un dernier mot : si l'analyse de la relation humaine est parfois utile, évitons de trop "nous prendre la tête"; l'excès de perfectionnisme dans ce domaine peut nuire à la spontanéité, ce qui n'est pas le but recherché !
C'est parfois même un jeu psychologique fréquent dans les couples très impliqués dans une démarche de développement personnel.
J'ai coutume de dire que quand tout va bien, je ne m'intéresse absolument pas à la relation humaine ou à la psychologie.
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