Entre sécurité et désir : l’équilibre fragile d’une relation naissante
- Philippe BRAMI
- 8 juil.
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : il y a 4 jours
Dans mon travail de thérapeute, je rencontre souvent des personnes qui vivent des débuts de relation un peu flous. L’amour est là, la complicité aussi… mais quelque chose ne s’aligne pas. L’un s’investit, rêve, donne beaucoup, pendant que l’autre reste en retrait, plus discret, parfois silencieux. Il y a du lien, du confort, mais le désir s’efface peu à peu. À partir d’un cas que j’ai accompagné, j’ai eu envie d’explorer ce déséquilibre subtil entre sécurité et désir, entre engagement concret et attachement qui reste caché. Car bien souvent, ce n’est pas l’amour qui manque… mais l’élan pour vraiment le faire vivre.

“Il me donne tout ce que j’ai toujours rêvé… mais je ne veux pas que ça se sache.” Cette phrase, entendue un jour en consultation, dit à elle seule la tension intime que vivent nombre de couples d’aujourd’hui : celle entre la douceur d’un lien réel, et l’absence d’élan, de récit, de projection.
🌱 Une belle rencontre… mais à l’ombre du silence
J’ai récemment reçu un homme d’une quarantaine d’années, engagé depuis deux mois dans une relation avec une femme de son âge, séparée depuis 6 mois. Tout semble réuni pour que la relation épanouisse : complicité, projets communs, attention réciproque. Il lui offre même un beau voyage à l'autre bout du monde.
Et pourtant, un élément majeur grince : elle n’en parle à personne. Pas à ses amies, pas à son entourage. Comme si cette relation, pourtant vivante, restait clandestine.
Lui en souffre. Il se sent à la fois présent dans l’intimité et absent du récit social.
🧩 Sécurité, douceur… et ce manque de vibration
Ce qu’il apporte à cette femme est profondément précieux : écoute, générosité, présence, intimité sensuelle. Mais je me demande si ce confort ne créerait pas une forme de figement dans leur lien.
Il est possible qu’en incarnant une forme de perfection émotionnelle — toujours là, jamais envahissant, très attentionné — il devienne… trop lisse. Et paradoxalement, moins désirable.
Ce cas illustre bien une tension fréquente : quand la sécurité prend toute la place, le désir s’éteint doucement. Et avec lui, l’envie de s’investir pleinement.
⚖️ Deux polarités fondamentales dans une relation amoureuse
Familiarité / Réel | Désir / Imaginaire |
Présence stable | Tension, incertitude |
Prédictibilité | Surprise, projection |
Douceur tranquille | Mystère, vibration |
Amour incarné | Récit sublimé |
Une relation vivante et durable ne supprime pas ces tensions : elle les articule. Elle passe du tendre au brûlant, de la sécurité à l’inattendu. Elle mêle présence concrète et imaginaire partagé.
🌀 Friendzone affective : l’autre y est, mais pas tout à fait
Ce que cet homme vit est une sorte de friendzone d’adulte : il est là, il fait du bien, mais il n’est pas intégré dans le récit amoureux de l’autre. Il rassure sans faire vibrer, il sécurise sans faire rêver.
Or, ce n’est pas forcément un manque de valeur… mais un excès de confort non partagé.
💡 L’engagement comme générateur de désir
Ce point est central dans leur dynamique : lui s’engage, elle beaucoup moins.
Et cela change tout.
Parce que :
🔁 Moins on s’engage, moins on ressent de manque.🔁 Et moins on ressent de manque, moins on valorise la relation.
Beaucoup pensent que le désir précède l’engagement. Mais souvent, c’est l’engagement qui génère du désir. On ne ressent pas forcément du manque, du feu ou de l’attachement tant qu’on ne s’est pas un peu lancé, exposé, relié.
🧱 Donner seul, c’est construire un mur
Lui donne beaucoup : de l’énergie, de l’argent, du rêve. Elle reçoit, sans vraiment entrer dans le mouvement.
Ce déséquilibre crée une relation où l’un construit ou alimente la relation, pendant que l’autre se laisse porter. Or, sans réciprocité, même les plus belles intentions peuvent s'émousser. On peut se transformer malgré soi en « parent affectif », en soutien, en ressource. Mais on n'est plus vraiment l’amant.
🧭 Quelques questions clés à se poser
Est-ce que chacun nourrit la relation ?
Est-ce que le lien reste équilibré dans l’investissement émotionnel, symbolique et concret ?
Est-ce que chacun y engage une part de son imaginaire, de son avenir, de sa représentation sociale ?
Est-ce que le lien est montré au monde… ou simplement vécu dans un huis clos ?
Conclusion : oser l’amour à la lumière du jour
Une relation n’est pas qu’un cocon. C’est une histoire en mouvement. Elle se nourrit de gestes, d’actes, de mots, de présence… mais aussi d’un récit commun, d’un engagement visible, d’une projection possible. J'adore cette formule qui résume bien le propos :
Sécurité sans mystère tue le désir. Désir sans engagement épuise l’amour.
Quand l’un porte toute la relation, et que l’autre reste dans le retrait, le lien se délite ; peu à peu, l’un se fatigue, l’autre se désinvestit, et l’histoire tourne en rond.
Oser l’amour, c’est parfois aussi oser être vu avec l’autre, oser dire :
“Oui, je suis avec lui. Oui, c’est important. Oui, je m’engage.”
📌 Pour aller plus loin
Vous vous interrogez sur la dynamique de votre relation ? Voici d’autres articles de mon blog qui pourraient nourrir votre réflexion :
📚 Quelques lectures en résonance
Voici quelques livres qui abordent, de près ou de loin, les thèmes de cet article. Certains m’ont accompagné à un moment ou un autre, d’autres sont souvent recommandés autour des questions d’amour, de désir, d’engagement.
Des lectures qui m’ont inspiré :
Le paradoxe amoureux – Pascal Bruckner
T’es toi quand tu parles – Jacques Salomé
D’autres ouvrages souvent cités sur ces sujets :
L’intelligence érotique – Esther Perel
Essais d’amour – Alain de Botton
Réinventer l’amour – Mona Chollet
Et si vous avez, vous aussi, des lectures à partager ou à conseiller, n’hésitez pas à m’en faire part.
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